SOLS - Érosion

SOLS - Érosion
SOLS - Érosion

Il faut entendre par érosion le résultat d’un ensemble de phénomènes qui provoque des pertes en terre par entraînement et, par voie de conséquence, une dégradation de la surface terrestre. La cause première de l’érosion est la mise en culture de terrains précédemment stabilisés par une végétation naturelle, et ce sans l’emploi de techniques appropriées pour lutter contre leur dégradation et une possible perte de fertilité. Mais, avec l’augmentation des pressions exercées sur le milieu terrestre par des populations en accroissement, les causes de l’érosion se sont diversifiées. À côté de l’extension et de l’intensification de l’agriculture se placent désormais les changements de l’espace agricole entraînés par une urbanisation, une industrialisation, un développement des transports et l’application de nouvelles technologies sans planification préalable. L’ensemble des techniques qui permettent de lutter contre l’érosion forme la démarche de conservation du sol.

Celle-ci tire bénéfice de la prise en compte des processus qui existent aux différentes échelles du phénomène érosif: à l’échelle élémentaire, production, par désagrégation des agglomérats de terre, des éléments terreux susceptibles d’être entraînés par les agents de l’érosion; organisation, à l’échelle stationnelle, du comportement des fluides, eau et air, susceptibles d’entraîner les éléments libérés par le précédent processus; prise en compte, à différents niveaux de l’échelle du paysage, de la structure du milieu, depuis le versant jusqu’aux zones biogéographiques en passant par le bassin versant, dans la mesure où elle régit la circulation et le devenir des fluides et des éléments transportés.

Cet article se concentrera sur l’étude de l’érosion et de la lutte contre ce phénomène adverse dont il existe deux facteurs primordiaux: l’action de l’eau et celle du vent. D’autres articles (cf. EAU - L’eau en agriculture; SOLS - Amélioration et travail) exposent les méthodes culturales assurant le maintien des propriétés du milieu.

L’érosion hydrique

Quand des pluies intenses tombent sur une terre dont les mottes sont imprégnées d’eau, les gouttes, en s’écrasant et en rebondissant, arrachent des particules et les projettent plus ou moins loin. Le ruissellement entraîne ensuite les matériaux libérés à plus ou moins grande distance. Lorsque les précipitations sont très intenses, le débit de la pluie par unité de surface devient supérieur à la capacité d’infiltration du terrain; il se constitue alors à sa surface une nappe d’eau plus ou moins épaisse qui va s’écouler vers l’effluent le plus voisin. Le phénomène doit être considéré en fonction de la topographie. De l’amont vers l’aval, l’épaisseur de la lame d’eau ruisselante s’accroît à mesure que l’on s’approche de l’effluent, puisqu’elle est constituée par la somme des quantités d’eau non infiltrées sur chaque surface élémentaire. La vitesse d’écoulement croît avec la pente. Les dégâts causés par le ruissellement augmentent donc avec la distance et l’importance de la pente. C’est dans la zone de plus grande pente que s’observent les dégâts maximaux. En bas de pente, dans la zone de vallée, la vitesse de la lame d’eau se ralentit, les matériaux entraînés se déposent en allant des plus gros aux plus fins. Mais ces derniers sont souvent entraînés tout au long du cycle de l’eau, parfois jusqu’à la mer. Les éléments nutritifs étant fixés par eux, cet entraînement constitue une perte de fertilité du milieu.

Ces effets s’inscrivent dans le paysage (cf. ÉROSION ET SÉDIMENTATION, systèmes MORPHOGÉNIQUES). L’action d’arrachement de l’eau provoque la formation de rigoles plus ou moins profondes; on parle d’érosion en rigole et de ravinement . L’arrachement peut être réparti d’une façon assez régulière sur toute la surface; il s’agit alors d’érosion en nappe (le travail du sol, en égalisant le terrain, donne la même impression). Ce phénomène est responsable de la couleur plus claire des terres dans les zones en pente.

L’eau infiltrée peut également provoquer des phénomènes de glissements de terrain [cf. TERRAIN (géologie)]. Quand un sol en pente repose sur un substratum imperméable, il se constitue à la surface de celui-ci, dans la couche de terre, une zone saturée d’eau; la cohésion du terrain diminue et celui-ci s’écoule sous sa propre charge. Le relief prend alors l’aspect d’un tapis mal étalé. Enfin, quand les sols ont une faible capacité d’infiltration, que le relief est assez marqué, les eaux se concentrent rapidement dans les rivières, provoquent des inondations qui détériorent les cultures et détruisent les ouvrages d’art.

Il faut également signaler, parmi les causes de l’érosion, l’orientation des chemins et des fossés placés en bordure des terres. Ils peuvent servir de zone de collecte mais, quand, à la suite d’un changement d’orientation, le courant d’eau rassemblée déborde et s’écoule sur le terrain avoisinant, il exerce une érosion particulièrement intense.

Ces phénomènes ont été remarqués depuis longtemps; on en trouve déjà un témoignage dans Platon. Mais, très tôt, l’homme a entrepris des travaux pour défendre ses terres; certains sont inscrits dans les paysages, par exemple les immenses terrassements que l’on peut observer le long de la vallée du Rhône. Dès le XIIIe siècle, on trouve des actes administratifs ayant pour objet la conservation des sols; mais c’est à Alexandre Surell que l’on doit, en France, la première action systématique pour lutter contre l’érosion ; cette action aboutit aux lois de 1860, puis de 1882, qui ont permis au service des Eaux et Forêts de lancer la lutte contre l’érosion dans les régions montagneuses. C’est après la promulgation du Soil Conservation Act aux États-Unis, en 1935, et les interventions de la F.A.O., dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, que la lutte contre ces phénomènes s’est développée à l’échelle mondiale.

Les méthodes de lutte comprennent d’abord un aménagement général de l’écoulement des eaux, de manière à éviter la formation de ruissellements importants, et la création de terrasses ou d’ouvrages ralentissant la vitesse de l’écoulement. La protection des terrains est assurée soit en les laissant sous végétation permanente, prairies ou forêts, soit en ne cultivant que des bandes de terrain parallèles aux lignes de niveau, ces dernières étant séparées par des bandes de terrain maintenu en végétation.

En France, on estime à environ 5 millions d’hectares les zones concernées par l’érosion hydrique; elles sont principalement localisées dans le Sud-Est. Mais on trouve également de nombreux vignobles et vergers dont les terrains subissent cette dégradation au sud de la Loire. En toute région, à l’occasion de gros orages ou de pluies tombant sur un sol rendu imperméable par le gel, on peut observer des phénomènes d’érosion. Actuellement, les phénomènes d’érosion s’intensifient. Il y a accroissement de la surface des parcelles, suppression des fossés le long des chemins ruraux, création d’ornières par les roues des tracteurs, etc.

Lorsqu’on se réfère aux valeurs régionales d’érosion calculées à partir des transports solides des cours d’eau, on constate que la dégradation spécifique reste faible – moins de 100 t/km2/an – sous la majeure partie des climats tempérés, quand l’influence de la pente ne se fait pas sentir; c’est seulement dans les régions de montagne que, sous ces climats, on enregistre une intensification de l’érosion, qui peut atteindre 2 000, voire 3 000 t/km2/an. Par contre, les dégradations sont souvent très élevées sous les climats tropicaux et méditerranéens: rarement moins de 200 à 300 t/km2/an, parfois 4 000 à 5 000 t/km2/an. Elles connaissent leurs valeurs les plus grandes dans les zones arides de ces climats, surtout en condition de pente: l’érosion peut alors atteindre des valeurs de 6 000 à 7 000 t/km2/an, soit une couche de terre de 40 à 50 centimètres d’épaisseur.

L’érosion éolienne

Le vent est un facteur d’érosion parce qu’il crée, en passant au-dessus du sol, des turbulences qui entraînent verticalement des grains de sable (diamètre compris entre 0,1 et 0,5 mm). Ceux-ci, poussés par le courant d’air horizontal, prennent une certaine vitesse, et, lorsqu’ils retombent, leur choc produit soit un rebondissement plus intense d’un grain de sable, soit l’expulsion de plusieurs grains de sable. Le phénomène s’intensifie donc à mesure que le vent parcourt une longueur de terrain plus importante, jusqu’à un certain équilibre. Ce mécanisme s’appelle la saltation . Des particules plus fines peuvent alors être entraînées par des ascendances dans la haute atmosphère et être transportées parfois sur plusieurs centaines de kilomètres. Les éléments plus grossiers roulent à la surface du terrain.

Ces mécanismes laissent des marques. Outre une usure caractéristique des roches et des bâtiments, il apparaît sur la surface du sol, dans les zones où ils sont actifs, de petits bourrelets de quelques centimètres de hauteur formant des rides (ripples ). Quand la zone dénudée est très grande, il se constitue des dunes, du fait d’un mécanisme complexe de saturation du vent. On ne les observe que dans les déserts ou sur quelques plages (cf. domaine ARIDE, PLAGES). Si, après la zone dénudée, existe une zone couverte de végétation, le changement de régime de l’écoulement du vent et le fait que les grains de sable se heurtent à des obstacles non élastiques provoquent leur dépôt: ce sont les dunes que l’on observe sur le littoral des Landes de Gascogne. Leur formation ne dépend que de la présence de l’obstacle, contrairement aux dunes des déserts et de certaines plages.

Signalé, semble-t-il, pour la première fois dans une lettre de Montaigne, ce phénomène existait certainement depuis assez longtemps dans certaines régions françaises, car on connaissait des procédés pour lutter contre ses méfaits. C’est à Nicolas Brémontier (1738-1809) que l’on doit de les avoir mis en œuvre d’une manière systématique pour fixer les Landes de Gascogne (avec l’aide de l’oyat et du pin).

D’une manière générale, les méthodes de lutte consistent à ne pas créer de grandes surfaces de sol nu. On coupe donc le terrain par des lignes de végétation perpendiculaires à la direction du vent dominant. Il peut s’agir soit de brise-vent plus ou moins élevés (arbres, roseaux), soit d’une simple ligne de céréales, par exemple d’avoine, pour protéger les cultures fragiles. L’écartement de ces obstacles est de l’ordre de huit à dix fois leur hauteur.

En ce qui concerne les terres cultivées, on s’efforce de les travailler sans enfouir les chaumes ou les résidus organiques jusqu’au moment du labour (stubble mulching aux États-Unis, enjoncage dans le bassin méditerranéen). Quand le sol doit être retourné, la surface est laissée aussi rugueuse que possible, pour que les grains de sable entraînés tombent dans les trous, d’où ils ne peuvent rebondir. Pour éviter les effets cumulatifs de l’action du vent, on alterne parfois des bandes de terre cultivée et non cultivée, leur orientation étant perpendiculaire à celle de vents dominants.

En France, environ 500 000 hectares de terre risquent de subir des dégâts du fait de l’érosion éolienne. Ils sont situés dans les zones côtières et dans la vallée du Rhône.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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